
Zhai Mo : le navigateur qui a accomplit la première circumnavigation de l’océan Arctique sans escale
Parti de Shanghai, le navigateur Zhai Mo, « premier circumnavigateur chinois », a franchit le « passage de la mort » arctique en 504 jours et plus de 28 000 milles marins. Il achève la première circumnavigation sans escale de l’océan Arctique de l’histoire de l’humanité, après avoir survécu aux cyclones polaires, aux icebergs, au brouillard, aux vagues énormes et autres dangers.
Depuis l’Antiquité, les navigateurs d’Orient et d’Occident n’ont cessé d’explorer les civilisations maritimes et de promouvoir les échanges et l’appréciation mutuelle entre les différentes civilisations. Aujourd’hui, avec l’intensification des catastrophes écologiques marines et des accidents environnementaux, la question de la gouvernance des océans est devenue un sujet commun auquel le monde entier doit s’atteler. Dans une interview exclusive accordée à China News, Zhai Mo raconte comment la navigation a changé sa vision du monde. Voir les océans depuis la terre est complètement différent que de regarder la terre depuis la mer. Tous les pays devraient œuvrer pour un objectif commun, rechercher des terrains d’entente tout en préservant leurs différences, se développer ensemble et faire un usage pacifique des ressources marines.
En 504 jours et 28 000 milles marins, vous avez accompli l’exploit de réaliser la première circumnavigation sans escale de l’océan Arctique de l’histoire. Quelles ont été les raisons qui vous ont poussé à entreprendre ce voyage ?
En 2002, j’ai rencontré le navigateur Hank aux Pays-Bas. Il m’a raconté qu’alors qu’il naviguait dans l’océan Arctique, le passage avait été gelé par les glaciers pendant près d’un an et qu’il a dû attendre l’été pour poursuivre sa route. J’avais alors deux années d’expérience de navigation et je voulais essayer de faire le tour de l’océan Arctique.
Je suis ambassadeur du Programme des Nations Unies pour le Développement « Defend Nature ». Cette aventure n’est pas seulement la réalisation d’un rêve. J’ai voulu sensibiliser sur le réchauffement de la planète et les catastrophes climatiques. L’année dernière, lorsque nous naviguions en Sibérie, il faisait 37°C. Si les glaciers de l’Arctique et de l’Antarctique continuent de fondre, de nombreuses nations insulaires pourraient disparaître d’ici quelques dizaines d’années. J’appelle les Hommes du monde entier à protéger l’environnement, à aimer la Terre et à réduire leurs émissions carbones.
Pourquoi personne n’avait encore fait le tour de l’océan Arctique sans escale ?
Tout d’abord, le climat ne se réchauffait pas aussi rapidement les précédentes années. C’est difficile de naviguer au cœur des glaciers, d’autant que l’océan Arctique présente des conditions climatiques complexes et dangereuses. Deuxièmement, par le passé, le passage du Nord-Est de l’Arctique et le passage du Nord-Ouest étaient souvent parcourus distinctement. De plus, une grande partie du passage du Nord-Est se trouve dans une zone contrôlée, ce qui ne facilite pas la navigation.
Vous naviguez depuis plus de vingt ans. Quels échanges avez-vous entretenu avec les navigateurs étrangers pendant vos traversées ? Qu’avez-vous appris et comment cet environnement multiculturel vous a-t-il influencé ?
En 1999, je suis allé en Nouvelle-Zélande pour une exposition artistique et pour tourner un documentaire. J’ai alors rencontré un navigateur norvégien dont les aventures m’ont donné envie de naviguer. Voilà comment a commencé mon odyssée. Ma première étape a eu lieu à Tahiti, dans le Pacifique Sud. J’ai fait deux fois le tour du monde, mais je ne suis jamais allé en Antarctique. Je prévois de faire un troisième tour du monde en 2023.
Je suis peintre de profession et je pratique la navigation en loisir. J’aime constamment défier toujours plus d’inconnus. J’aimais beaucoup la peinture européenne, mais, maintenant que j’ai pris la mer, je préfère les totems écologiques primitifs et l’art aborigène. Les peuples du Pacifique Sud vivent dans la simplicité, la sobriété et la beauté. Le post-impressionniste français Paul Gauguin a d’ailleurs passé ses dernières années à Tahiti.
La navigation a changé ma vision du monde. Quand on regarde les océans depuis la terre, on a une perspective et une compréhension complètement différentes que quand on voit la terre depuis la mer.
Au fil des ans, j’ai multiplié les échanges avec les navigateurs étrangers. En revenant de l’océan Arctique, via les États-Unis, l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud, j’ai rencontré des marins de différentes nationalités et nous avons beaucoup échangé. Depuis que je navigue, nous abordons rarement les sujets relatifs aux pays ou aux relations internationales. La plupart du temps, nous adoptons un point de vue plus global sur les choses. Les continents ne couvrent que 29 % de la surface de la Terre, le reste étant recouvert par les océans. La communication entre les marins est un concept plus macroscopique. Par exemple, le réchauffement climatique est un problème auquel les marins pensent souvent, d’autant que le mauvais temps peut entraîner toutes sortes de dangers.
Au XVe siècle, un certain nombre de navigateurs sont apparus dans le monde entier, représentés par Zheng He et Christophe Colomb. Comment l’exploration maritime, de l’Antiquité à nos jours, a-t-elle favorisé la communication et les échanges entre la Chine et l’Occident ?
Aux yeux des Occidentaux, les premières expéditions chinoises n’ont pas donné lieu à de « grandes découvertes géographiques », contrairement aux expéditions occidentales. En fait, Christophe Colomb comme Magellan se sont plutôt conduits en envahisseurs. Ils ont pratiqué une colonisation matérielle et culturelle, ce qui ne peut être qualifié de grande découverte géographique. À l’inverse, Zheng He était un émissaire de la paix. Il a parcouru le monde et l’a compris d’une manière pacifique. Il ne l’a ni pillé, ni colonisé par les armes ou les canons comme les navigateurs occidentaux ultérieurs. J’apprécie davantage les expéditions de Zheng He pour les échanges pacifiques de civilisation entre la Chine et le reste du monde.
La situation mondiale actuelle des océans est dramatique. La fréquence des problèmes liés à la surpêche, à la pollution environnementale, au changement climatique et à l’élévation du niveau de la mer s’est accélérée et les conflits et contradictions se sont intensifiés. La gouvernance des océans est devenue un problème global auquel est confrontée la communauté internationale. En tant qu’ambassadeur du Programme des Nations Unies pour le Développement « Defend Nature », comment pensez-vous que les pays devraient renforcer leur coopération pour protéger les océans ?
Je crois que tous les pays du monde entier doivent chercher un terrain d’entente, tout en préservant leurs différences, et se développer ensemble, plutôt que de perpétuer la logique du pilleur. Toutes les rivières mènent à la mer et nous devons prôner l’utilisation pacifique des ressources marines.
Un dicton de la communauté scientifique veut que « l’humanité est née de la mer ». En effet, nous avons retrouvé des traces de vie marine fossilisée sur le mont Everest et le mont Taishan. Les pays sont autant d’îles interconnectées par les mers. De ce fait, les Hommes doivent respecter les océans, renforcer leur coopération et les protéger, main dans la main.
Photos : China News
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