Architecture chinoise : retour sur les réalisations les plus grandioses des 10 dernières années

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Les villes chinoises sont devenues le nouveau terrain de jeu des architectes du monde entier. Gratte-ciel, gares, aéroports : tout est toujours plus démesuré et décalé. Dans un paysage urbain en constante évolution, la Chine entreprend des réalisations toujours plus extravagantes et audacieuses. Dans ce numéro, nous vous avons concocté notre classement des plus dingues d’entre elles : les 7 projets architecturaux les plus grandioses, qui ont poussé un peu partout dans l’empire du Milieu au cours des dix dernières années. 

Elle est bien loin l’époque de l’architecture traditionnelle en Chine. Le développement économique a favorisé l’émergence de nouvelles constructions gigantesques, censées représenter l’essor de la Chine dans le monde. Au cours des dix dernières années, les nouveaux mégaprojets qui ont vu le jour sont marqués par le modèle déconstructiviste, qui assume pleinement une rupture entre le bâti et l’environnement où il prend place, en décalage complet avec la société, l’histoire et les traditions. Les concepteurs chinois ont fait appel aux cabinets d’architecture du monde entier pour défier toutes les lois de la construction et de la gravité, pour exploser tous les budgets, dans une logique souvent très fonctionnelle et toujours très extravagante. 

Top 7 : la gare de Xiong’an 

© XING Guangli/Xinhua 

La septième position de notre classement revient à la nouvelle gare de la toute dernière zone économique spéciale de Xiong’an, dans le nord de la Chine. Construite entre décembre 2018 et avril 2020, conçue en collaboration avec le cabinet français d'architecture AREP, une filiale de la SNCF, cette gare s’étend sur une superficie de 475 200 m2, soit 56 terrains de football (Xinhua). Certes, elle ressemble davantage à une soucoupe volante posée sur des rails qu’à la « goutte de rosée du matin posée sur une feuille de lotus » imaginée par les architectes chinois. Elle n’en reste pas moins une grande fierté nationale et un symbole de la toute nouvelle politique industrielle de la Chine, lancée dans la toute nouvelle mégapole Pékin-Tianjin-Hebei. C’est surtout au niveau de sa dimension que cette gare a de quoi surprendre, car comme le rappellent les autorités de Xiong’an, cette nouvelle gare TGV est aujourd’hui la plus grande gare ferroviaire d’Asie en termes de superficie. Elle compte également 23 voies et 13 quais, soit l’équivalent de la Gare de Lyon à Paris. Soucieux de l’environnement, les architectes ont aussi veillé à ce que la gare soit autosuffisante sur le plan énergétique, en tout cas pour son éclairage. Celui-ci est assuré par près de 42 000 m2 de panneaux photovoltaïques, fixés sur le toit. 

Top 6 : la bibliothèque futuriste de Binhai, à Tianjin 

© Xinhua 

La sixième construction que nous retenons dans notre classement est la bibliothèque de la nouvelle zone de Binhai, dans la municipalité de Tianjin. Conçue par la société hollandaise MVRDV Architects, en collaboration avec l'Institut de planification urbaine de Tianjin, cet établissement au style très futuriste a ouvert ses portes en octobre 2017 (Xinhua). Son architecture en trompe-l’œil, qui a déjà fait le tour des réseaux sociaux en Chine, est célèbre pour ses immenses couches d’étagères dans le grand hall du bâtiment, qui s’étendent du sol au plafond sur plus de 30 m. Le concept, de nouveau marqué ici par une certaine folie des grandeurs, devait au départ donner l’impression d’une montagne de livres que l’on pouvait escalader. Seul petit bémol : en raison des courts délais de construction (trois ans), les vrais livres qui devaient tapisser les murs ont finalement été remplacés... par des panneaux imprimés d’images de livres. L’effet rendu sur les 34 niveaux d’étagères est tout de même impressionnant à première vue, sachant que de vrais livres ont tout de même été disposés sur les premiers niveaux. Mais ce n’est en tout cas pas l’avis de tout le monde, car de nombreux internautes chinois se sont déjà plaints de ce qu’ils considèrent être une imposture. 

Aux yeux du cabinet MVRDV cependant, rien n’est perdu, car il sera toujours possible de remplacer les panneaux par des vrais livres plus tard. Ce projet a toujours du potentiel, la bibliothèque ayant par ailleurs affirmé qu’elle pourrait abriter une collection de 1,81 million de livres à long terme (la bibliothèque François Mitterrand à Paris en abrite 2,7 millions). Il s’agit finalement d’un excellent coup de communication, surtout dans un pays où la plupart des lecteurs sont passés au livre électronique et où beaucoup de jeunes trouvent les bibliothèques ringardes et poussiéreuses. Beaucoup s’empressent déjà de se rendre sur les lieux pour prendre des selfies. 

Top 5 : le Global Center de Chengdu 

© CC BY 2.0 via Flickr 

Certes, son nom anglais ne veut pas dire grand-chose et il semble très banal vu de loin. Pourtant, dès qu’on s’en approche, on comprend vite pourquoi le « Global Center » de Chengdu est le bâtiment le plus vaste du monde en termes de superficie. Une surface de 246 terrains de football, 20 opéras de Sydney, 3 Pentagone ou 8 musées du Louvre, sur laquelle s’érige un gigantesque cube de ciment, de verre et d’acier, qui culmine tout de même à 100 m avec des côtés de 400 m. C’est surtout une fois à l’intérieur que l’on réalise à quel point le projet est délirant : le hall d’entrée est plein de dorures et de marbre, et donne accès à tout un monde multifonctionnel : 18 étages d’expositions en tout genre, de bureaux d’affaires, d’hôtels, de cinémas et surtout de centres commerciaux. Le Global Center abrite surtout un parc aquatique couvert d’une immense verrière en acier. Un site de 20 000 m2, composé de piscines et de montagnes russes, de plages et de vagues artificielles, mais aussi d’un faux bateau pirate. Le tout surplombé par un immense écran géant de 152 m de large. 

On ne sait pas trop ce qui est passé par la tête de Deng Hong, le milliardaire chinois qui a financé sa construction. Le Global Chengdu a ouvert en 2013 après « seulement » cinq ans de travaux, dans la périphérie de la municipalité de Chengdu. Selon le média chinois itanzi.com, le but était surtout d’augmenter l’attractivité économique de la région du Sichuan, dont Chengdu est la préfecture, alors que les autorités venaient d’annoncer une politique de redynamisation et désenclavement du grand ouest chinois. En 2008, Chengdu voulait, tout comme Dubaï, avoir sa construction phare, à l’image du building Burj Khalifa. Les concepteurs chinois avaient finalement opté pour un thème « océanique », avec des formes ondulées et la prévalence de la couleur bleue, en totale rupture avec la réalité de Chengdu, qui rappelons-le, reste surtout une ville enclavée entourée de terres rurales. 

Top 4 : la tour de CCTV à Pékin 

© Freepik

Située dans le quartier d’affaires de Pékin et ouverte au public en mai 2012 après trois ans de travaux, la tour de CCTV, que l’on surnomme le « gros pantalon » (da kucha en chinois), est une représentation typique de l’architecture déconstructiviste en Chine. Elle relève surtout d’une grande prouesse architecturale, en particulier au niveau de sa section en porte-à-faux, haute de 11 étages et pesant 18 000 tonnes. Certes, le bâtiment conçu par l’architecte néerlandais Lucas Koolhaas a remporté de nombreux prix et notamment celui de l'une des dix plus grandes merveilles architecturales du monde décerné par le magazine Times en 2007. Mais le projet consistant à abriter les locaux de plusieurs hôtels cinq étoiles, de cinémas et de théâtres et surtout de la chaîne de télévision chinoise CCTV, a aussi connu quelques déconvenues. Il a ainsi coûté la modique somme de 1,5 milliard d’euros, soit l’équivalent du montant nécessaire pour la tour Burj Dubaï aux Émirats arabes unis, qui mesure 828 m. Les travaux de ce bâtiment qui mesure 234 m pour 52 étages ont aussi été maintes fois repoussés et notamment perturbés par un immense incendie en février 2009, lorsque la partie annexe du bâtiment s’était enflammée en raison... d’un tir de feu d’artifice pour le Nouvel An chinois. La complexité de sa forme a aussi constitué un véritable défi pour le nettoyage de façade : il a fallu attendre avril 2015 pour que les premiers laveurs de vitres puissent s’y aventurer, une mission qui avait duré plus de 40 jours. 

Top 3 : la « Raffles City » de Chongqing 

© Junyi Lou, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

Ouverte au public en 2019 après sept ans de travaux, la Raffles city de Chongqing a été conçue par l’architecte israélien Moses Safdie pour la société singapourienne CapitaLand. Cet ensemble de gratte-ciel constitue le plus grand projet d'investissement de Singapour en Chine, avec un montant total de plus de 24 milliards de yuans (soit près de 3 milliards d'euros). Construites sur la presqu’île du district de Yuzhong, au plein cœur de Chongqing, les huit tours légèrement courbées de la « Raffles city » semblent se déployer comme les voiles d’un bateau, face à la jonction des deux fleuves qui traversent la ville : le Yangtsé et la rivière Jialing. Les deux tours centrales culminent à plus de 356 m et sont suivies par quatre buildings de 240 m qui soutiennent une immense structure horizontale de 300 m de long, composée de 3 000 panneaux de verre et de 5 000 panneaux d’aluminium. Appelée le Crystal Gateway, cette partie pèse à elle seule 12 000 tonnes et abrite des bars, des restaurants, des salles de musculation et surtout une immense piscine, ainsi qu’un pont de verre sur un porte-à-faux de 30 m de long. Le Crystal Gateway offre enfin un splendide site d’observation, avec une vue à 270° sur l’ensemble de la municipalité de Chongqing. Bref, rien n’est trop beau pour célébrer la croissance économique de cette région de l’arrière-pays chinois, point de départ des Nouvelles routes de la soie. 

Top 2 : La Shanghai Tower 

© CC BY-SA 2.5, via Wikimedia Commons

Il nous était difficile d’évoquer la folie des grandeurs de la Chine en matière d’architecture sans citer au moins l’un de ses immenses gratte-ciel. Une tour chinoise figure en effet désormais sur le podium des plus hauts gratte-ciel du monde. Il s’agit de la Shanghai Tower (première sur la photo en partant de la droite), qui culmine à plus de 632 m et occupe la troisième position derrière la Tokyo Skytree (634 m) et la Burj Khalifa de Dubaï (828 m). Commencés en 2008, les travaux se sont achevés en 2013 et la tour a été ouverte au public en 2015. 

Dans une interview accordée au média Shanghai Observer, son concepteur, l’architecte américain Marshall Strabala affirme néanmoins qu’il n’a jamais été question de battre des records mondiaux, mais plutôt d’inscrire la Shanghai Tower en cohérence avec son environnement immédiat. C’est pour cette raison qu’elle a été construite aux côtés de la tour Jinmao (375 m) et de la Shanghai World Financial Center (492 m). C’est donc surtout l’union de ces trois réalisations qui contribue au prestige de Shanghai. En plus de sa hauteur, l’originalité de la Shanghai Tower réside également dans sa forme en spirale, qui semble sortir du sol comme un dragon s’élèverait vers le ciel. Une bonne symbolique pour l’ascension économique de la Chine et surtout de Shanghai, le centre financier du pays. Signe des temps, Marshall Strabala a aussi souhaité limiter l’impact de sa construction sur l’environnement : il a donc installé des éoliennes à axe vertical au sommet de la tour, celles-ci génèrent près de 350 000 kilowattheures d'électricité par an. 

Top 1 : l’aéroport de Pékin-Daxing 

© Unsplash 

La première place de notre classement des projets architecturaux les plus extravagants de Chine revient finalement à l’aéroport de Pékin-Daxing. Commencés en décembre 2014, les travaux ont coûté près de 17 milliards de dollars et ont été programmés pour une ouverture au public en octobre 2019, pour fêter les 70 ans de la République populaire de Chine. L’aéroport a été livré en temps et en heure, malgré l’épidémie de Covid-19. Conçu en partenariat avec le cabinet français ADP Ingénierie (Aéroport de Paris), mais aussi avec le cabinet britannique de la célèbre architecte Zaha Hadid, l’aéroport Pékin-Daxing est un véritable monument des temps modernes. Situé à 46 km du centre-ville de la capitale chinoise, il est aujourd’hui le plus grand aéroport du monde au niveau de sa superficie (780 000 m2), et sera à long terme le plus grand au niveau de sa fréquentation. Il devrait en effet recevoir plus de 100 millions de passagers annuels, lorsque le trafic aérien mondial aura définitivement tourné la page de la Covid-19. Son apparence en forme d’étoile de mer n’est pas seulement esthétique, mais aussi fonctionnelle : elle permet aux voyageurs de ne jamais être à plus de 800 m des portes d’embarquement, ce qui optimise très nettement le flux des voyageurs. L’aéroport de Pékin-Daxing relève aussi de la prouesse architecturale dans la mesure où son toit est fait d’un seul bloc en structure métallique, littéralement posé sur seulement 12 colonnes. Enfin et surtout, cet aéroport est aussi déjà l’un des plus grands si l’on prend en compte le nombre d’avions qu’il accueille. Pékin-Daxing compte en effet plus de 223 emplacements pour les avions, 4 pistes de décollages et d’atterrissages pour les vols civils et pas moins de 79 portes d’embarquement. 

Photo du haut : détail du Nanjing Poly Grand Theatre, à Nankin © Unsplash 


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