[XXe Congrès du Parti Communiste] Le PCC dans la continuité
S’est ouvert le 16 octobre dernier, quinze jours après la célébration de la fête nationale, le XXe Congrès du PCC à Pékin. Se tenant tous les cinq ans, il a vu le président Xi Jinping reconduit dans ses fonctions de secrétaire général du Parti communiste chinois pour la troisième fois.
Grand ballet de la politique chinoise, le Congrès du Parti communiste chinois (PCC), qui a lieu tous les 5 ans, est l’instance où les membres dirigeants des trois organes dirigeants du parti sont élus. Ils appartiennent respectivement au Comité Central du PCC (CCPCC – 205 sièges et 172 suppléants), au Bureau politique du Comité central du PCC (Politburo, 24 membres), et au Comité Permanent du Politburo. Ce dernier regroupe les sept personnalités dirigeantes du parti, et donc de la Chine. La composition de ces trois organes s’inscrit dans une remarquable continuité des décisions qui avaient été prises lors du Congrès précédent.
Continuité et changements à l’heure des défis
Avec ce troisième mandat, Xi Jinping se voit conforté dans son assise, l’incarnation véritable du pouvoir s’exerçant en Chine avant tout à travers la fonction de secrétaire général du parti. Celle de Xi Jinping a été symboliquement marquée par une reconnaissance de sa doctrine théorique d’un rang quasi- égal à la « pensée de Mao Zedong » (Mao Zedong sixiang). À titre de comparaison, Deng Xiaoping, l’un de ses prédécesseurs, n’avait eu droit qu’à une « théorie » (Deng Xiaoping lilun) ; ce qui en soi, renforce considérablement la légitimité de Xi Jinping dans l’organisation du parti. Xi Jinping s’y est d’ailleurs préparé en étant l’auteur, depuis juin dernier, de dix ouvrages aux sujets aussi variés que les relations internationales, l’écologie ou l’économie. Il est à noter que concomitamment à cette tendance qui était observable depuis plusieurs années, le XXe Congrès est marqué par un rajeunissement des cadres de l’équipe dirigeante. Plus de 80 % des cadres fraîchement élus sont nés dans les années soixante. Ils composent désormais la grande majorité du Comité central. Seul l’âge des membres du Politburo demeure plus élevé, parmi lesquels on note aussi une surreprésentation des cadres originaires du Zhejiang (là même où Xi Jinping a exercé des responsabilités importantes). Alors que les spéculations allaient bon train avant même la tenue de cette échéance politique, on peut dire avec certitude que le parti poursuit en définitive sa mue sur le plan sociologique quant à l’élection de ses cadres. Même si la très grande majorité des cadres reste des hommes, leur niveau d’éducation n’a cessé d’augmenter. Il s’agit, pour beaucoup d’entre eux, de technocrates de terrain. Xi Jinping se trouve donc renforcé à la tête de cette équipe dirigeante qui lui est pleinement acquise.
D’une voix ferme et résolue, Xi Jinping a rappelé ses prérogatives en considérant que la priorité pour la Chine était la sécurité nationale.
Pour autant, celle-ci devra relever des défis considérables. 600 millions de leurs compatriotes ne vivent encore qu’avec 1 000 yuans par mois environ ; une part non négligeable de jeunes diplômés sont mécontents de la gestion de la pandémie et du chômage qui les touche ; enfin, la question russe pose un problème de positionnement à adopter vis-à-vis de l’Occident. Xi Jinping devra tenir compte d’avis contraires y compris de certaines critiques concernant les Nouvelles Routes de la soie. S’il n’y a pas de renoncement officiel à ce projet, une baisse des investissements nationaux dans des infrastructures en voie de réalisation à l’étranger ne serait pas à exclure. Plus globalement, le PCC devrait, dans les prochaines années, recentrer le pays sur des intérêts plus proches. Un objectif important est celui de la sécurité alimentaire où les liens avec la Russie pourraient être valorisés. Un autre changement important concerne la politique énergétique : décarboner l’énergie chinoise est, à l’heure actuelle, une promesse intenable, la sécheresse de cet été et la baisse de la production hydroélectrique l’ont montré. Au reste, Xi Jinping a mis l’accent lors de son discours inaugural sur les questions de sécurité, notamment vis-à-vis de Taïwan en appelant ses concitoyens à l’unité autour de sa propre direction, tout en vantant l’ascension de la Chine comme puissance mondiale.
Une vision programmatique
Dans son discours de près de deux heures, Xi Jinping a également défendu sa campagne anticorruption devant les quelque 2 300 délégués du parti au Palais du Peuple, place Tiananmen. Cette politique anti-corruption a permis depuis 2012 de sanctionner au moins 1,5 million de personnes avides de pots-de-vin, selon les chiffres officiels. La majeure partie de son intervention avait trait à la politique intérieure. En ce sens, Xi Jinping a assuré que la Chine, l’un des pays les plus pollueurs de la planète, allait participer activement à la lutte contre le réchauffement climatique. En d’autres mots, c’est d’une voix ferme et résolue que Xi Jinping a rappelé ses prérogatives en considérant que la priorité pour la Chine était la sécurité nationale. Il n’y aura donc aucun compromis de Pékin en mer de Chine du Sud non plus que par rapport à la situation à Hong Kong. Sur le plan idéologique, il est clair que Xi Jinping poursuit ses choix d’une révolution conservatrice à l’opposé de l’idée même d’une démocratie à l’occidentale. Cette démarcation de la Chine se vérifie aussi dans le choix d’un changement du système international. En amont même du XXe Congrès, les 15 et 16 septembre dernier, avait eu lieu à Samarcande, en Ouzbékistan, le sommet de l’Organisation de Coopération de Shanghai à l’occasion duquel Xi Jinping mais aussi Vladimir Poutine en appelaient, chacun, à ce changement. Le moteur de ce changement passe très clairement pour Xi Jinping par une modernisation du marxisme.
Corollaires de cette modernisation : une adhésion aux principes du parti, la recherche d’une « coexistence harmonieuse entre l’Homme et la Nature » et la promotion d’une « communauté de destin pour l’humanité ». Et ce, à l’échéance 2049. Ce plan de doctrine entre en opposition avec partie des principes défendus par l’Occident et c’est en cela que réside aussi le défi chinois pour l’Occident. Les différents rendez-vous politiques organisés par la Chine constituent autant de jalons supplémentaires dans une confrontation idéologique avec l’Occident. Pour la Chine même, le changement réside par ailleurs aussi dans une contradiction idéologique qui devrait se maintenir, entre le souhait de poursuivre des réformes orientées vers le marché et le retour à une économie planifiée par l’État.
Emmanuel Lincot est spécialiste d'histoire politique et culturelle de la Chine, professeur à l'Institut catholique de Paris.
Photo : dans une école à Dali, au Yunnan, élèves et professeurs visionnent l'ouverture du Congrès à la télévision chinoise. © JIANG Wenyao/Xinhua
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