
Le site paléolithique Shuidonggou ou le « joyau » du monde de la recherche préhistorique internationale
Le site des ruines de Shuidonggou est un « joyau » de la recherche préhistorique internationale. Son appartenance aux premiers sites paléolithiques chinois découverts et fouillés scientifiquement ajoutée à son contenu culturel particulier et son lien étroit avec la culture occidentale lui confèrent une valeur et une influence irremplaçables dans le monde, en particulier dans l'étude des hommes préhistoriques et de leur environnement en Orient.
Comment ce site a-t-il été découvert et fouillé, pourquoi dit-on qu’il est un point fort dans l'échange culturel entre l'Orient et l'Occident ? Quelles nouvelles découvertes a-t-il apportées à propos des origines de l'homme moderne au cours du siècle dernier ? Li Yulong, chercheur associé à l'Institut des vestiges culturels et d'archéologie de la province du Ningxia, a accepté un entretien exclusif avec China News afin de répondre à ces questions.
Comment Shuidonggou a-t-il été découvert et fouillé ?
Situé dans la ville de Lingwu, dans la région autonome de l’ethnie Hui du Ningxia, le site de Shuidonggou est l'un des premiers sites paléolithiques découverts et fouillés scientifiquement en Chine. Connu comme le « berceau de l'archéologie préhistorique chinoise », ce site a été fouillé six fois au cours du siècle qui a suivi sa découverte.
En 1923, le célèbre paléontologue des vertébrés, géologue et paléoanthropologue français Pierre Teilhard de Chardin et le célèbre géologue, paléontologue et archéologue français Emile Licent, menaient des recherches sur le paléolithique et la paléontologie dans la région d'Ordos. De nombreux spécimens paléolithiques, de fossiles d'animaux et des coquilles d'œufs d'autruche de cette époque ont été trouvés des deux côtés de la rivière Shuidonggou. Au cours de l'été 1923, Teilhard et Licent ont fouillé le site de Shuidonggou et découvert de nombreux vestiges en pierre dont les résultats pertinents ont été publiés dans l’ouvrage intitulé Le paléolithique de la Chine publié en 1928, il s'agissait de la première fouille du site.
Après la fondation de la Chine Nouvelle, Shuidonggou a fait l'objet de nombreuses fouilles. En 1960, une expédition paléontologique organisée conjointement par la Chine et l'Union soviétique y a effectué une fouille à grande échelle sur le site n°1, et y a trouvé près de 2 000 spécimens de différents types. En 1963, la troisième fouille a été menée par le savant chinois Pei Wenzhong et son équipe. En 1980, le Musée du Ningxia et l'équipe de prospection géologique régionale du Bureau géologique du Ningxia ont exploré le site n°1, l'Institut des vestiges culturels et d'archéologie du Ningxia a également publié le premier rapport de fouilles de Shuidonggou. De 2003 à 2007, ce même Institut a coopéré avec l'Institut de paléontologie des vertébrés et de paléoanthropologie de l'Académie chinoise des sciences pour mener à bien pendant cinq ans une fouille complète à grande échelle du site n°1 au site n°12, soit une séquence du développement culturel comprise entre - 40 000 et - 10 000 ans qui correspond au Paléolithique supérieur. De 2014 à 2022, Shuidonggou sera fouillé et protégé grâce à la technologie moderne.
Comment les archéologues chinois et étrangers ont-ils coopéré et communiqué lors des fouilles et des recherches?
La fouille et la recherche du site de Shuidonggou sont indissociables de la coopération et des échanges entre les chercheurs chinois et étrangers.
En 1923, après avoir découvert le site et effectué les premières fouilles, Teilhard et Licent ont rapidement publié des documents et des résultats pertinents sous forme d'articles et de livres, permettant ainsi aux chercheurs du monde entier d'obtenir les derniers résultats de recherches en temps opportun.
En 1960, après la fondation de la Chine nouvelle, la première fouille du site de Shuidonggou a été réalisée par des experts chinois et soviétiques.
Après être entré dans le XXIe siècle, les opérations ont été organisées par des instituts de recherche scientifique chinois. Des chercheurs d’autres nations telles que les États-Unis, le Japon, ou la Corée du Sud sont aussi venus sur le site, leur participation commune aux fouilles sur le terrain ainsi qu’à des séminaires universitaires a également apporté une aide essentielle à l’étude de Shuidonggou .
En 2013, la Chine a organisé la commémoration du 90e anniversaire de la découverte du site de Shuidonggou et ainsi qu’un colloque universitaire international connexe. Les chercheurs de 13 pays ont ainsi participé à une réflexion sur la relation entre les hommes du Paléolithique supérieur l'Asie de l'Est et d’Eurasie.
Au regard des innombrables articles publiés dans les revues académiques par des universitaires chinois et étrangers à propos du site de Shuidonggou, on s’accorde à dire que les recherches ont été menées avec les efforts conjoints d'érudits chinois et occidentaux.
Quelle est la particularité du site de Shuidonggou ? Pourquoi dit-on qu'il s'agit d'un « joyau » au sein de la recherche préhistorique internationale ?
Comme mentionné plus haut, la population du site n°1 de Shuidonggou peut être liée à la migration de paléanthropiens venus depuis la partie occidentale de l'Ancien Monde. Le site n°2, situé de l'autre côté de la rivière par rapport au site n°1, présente cependant une autre nature culturelle complètement différente.
La technique utilisée pour façonner des outils en pierre présents sur le site n°2 appelée « technique des petits éclats de pierre » a été développée et améliorée par la population chinoise indigène. En résumé, le site n°1 de Shuidonggou représente la migration des populations occidentales, tandis que le site n°2 figure l'évolution continue des populations autochtones. Bien sûr, les époques d’existence des deux peuvent être différentes.
Qu'il s'agisse du premier ou du deuxième site, leur époque est d’importance à propos l'émergence du comportement humain moderne. Par rapport aux premiers hominidés, les hommes de cette période avaient fait de grands progrès en termes de cognition, de physique et de concepts esthétiques.
Concernant l'hypothèse de l'origine de l'homme moderne, les milieux académiques occidentaux ont mis en avant la « théorie d’Eve », qui considère que toutes les races sur Terre sont des descendantes d'une certaine ancêtre féminine africaine appelée « Eve » il y a environ 200 000 ans. Les descendants d’« Eve » ont quitté l'Afrique et se sont disséminés en Europe, en Asie et ailleurs, remplaçant ainsi les populations autochtones. Cependant, les populations originaires d'Europe et d'Asie n'étaient pas les ancêtres et n’avaient aucune relation avec les hommes modernes. Cette théorie est également appelée « Théorie de la substitution ».
Cependant, certains chercheurs chinois pensent que l'origine des humains modernes en Chine présente les caractéristiques d'une « évolution continue locale avec hybridation », c'est-à-dire que les premiers hommes en Chine n'ont pas été remplacés par les hommes venus d'Afrique, mais ont continué à évoluer et à se développer sur cette terre pour former les hommes modernes. Le site n°2 de Shuidonggou fournit une preuve qui corrobore cette hypothèse et prouve que la population indigène chinoise représentée par la « technique des petits éclats de pierre » a survécu et évolué, et présente des caractéristiques de comportements typiques de l’homme moderne. Le site n°1 prouve également que les Chinois locaux n’y étaient pas isolés, des Occidentaux y venaient et pouvaient avoir interagi avec eux. Aujourd'hui, grâce à la découverte et la fouille de sites pertinents dans davantage de régions, la théorie de l'origine de l'homme moderne proposée par les érudits chinois suscite de plus en plus l'attention. On peut dire que l'influence du site de Shuidonggou concerne non seulement la Chine, mais atteint également le monde entier.
Article initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn.
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