
Les lamelles de bambou : « puzzle historique » de la civilisation chinoise
En 2015, l’Université de l'Anhui a acquis une collection relativement importante et bien conservée de lamelles de bambou de l’État de Chu datant du début et du milieu de la période des Royaumes combattants, qu’on nomme communément les « lamelles de bambou de l’Université de l'Anhui ». Il s’agit d’une autre découverte majeure de documents antérieurs à la dynastie Qin, qui revêt une grande valeur pour l’étude de la civilisation chinoise ancienne.
Quelles sont les grandes découvertes et les résultats des recherches qu’ont apportées les lamelles de bambou de l’Université de l'Anhui ? Pourquoi constituent-elles un « puzzle historique » de la civilisation chinoise ? Xu Zaiguo, directeur du Centre de recherche sur le développement et l’application des caractères chinois de l’Université de l'Anhui, directeur de la Société chinoise de recherches paléographiques et directeur exécutif de la Société de l’écriture chinoise, a récemment accordé une interview spéciale à China News pour répondre à ces questions.
Quelles sont les découvertes et les résultats de recherche majeurs qu’ont permis les lamelles de bambou de l’Université de l'Anhui jusqu’à présent ?
Au nombre de 1167, les lamelles de bambou de l’Université de l'Anhui sont de forme et de longueur diverses, copiées par différents calligraphes, avec une grande variété de styles et des traits nets. Elles comprennent le Classique des vers, l’Histoire de l’État de Chu, les Entretiens de Confucius, entre autres œuvres de grands maîtres, des œuvres sur les Chants de Chu, l’oniromancie ou la physiognomonie. La plupart de ces textes ne figurent pas dans les documents qui sont parvenus jusqu’à nous et sont par conséquent d’une grande valeur pour la recherche dans les domaines de la paléographie, de l’étude des documents historiques, de la science de l’analyse textuelle et du commentaire des classiques et de la littérature ancienne.
L’ouvrage Lamelles de bambou des Royaumes combattants de la collection de l’Université de l'Anhui, Tome 1, compilé et publié en 2019, couvre le Classique des vers. À l’origine, le Classique des vers occupait 117 lamelles, dont 93 ont été conservées, avec 58 poèmes Guofeng. Il s’agit de la copie la plus ancienne connue du Classique des vers avec le plus grand nombre de poèmes conservés.
L’ouvrage Lamelles de bambou des Royaumes combattants de la collection de l’Université de l'Anhui, Tome 2, publié en 2022 couvre les Entretiens de Confucius et L’Ordre de bataille de Cao Mo. Les Entretiens de Confucius occupent 13 lamelles, dont 25 analectes. À l’exception de celle qui commence par « Kangzi envoie interroger Confucius sur son gouvernement », les autres lamelles de bambou portent toutes l’inscription « Entretiens de Confucius », de sorte qu’elle en constitue le titre. Sur les 46 lamelles qui se rapportaient à l’origine à L’Ordre de bataille de Cao Mo, 44 nous sont parvenues, identiques aux lamelles de bambou de Chu conservées au Musée de Shanghai, excepté quelques différences mineures dans les caractères.
La même année, Recherches sur le Classique des vers des lamelles de bambou de l’Université de l'Anhui a également été publié, composé de trois parties : une synthèse documentaire, une étude et une interprétation textuelles et une nouvelle interprétation de différents textes, couvrant divers aspects tels que l’interprétation textuelle, l’exégèse lexicale et les anciennes associations phonétiques. Il reflète systématiquement la recherche et l’agencement du Classique des vers sur les lamelles de bambou de l’Université de l'Anhui, concentre et synthétise les recherches qui ont été portées ces dernières années.
Pourquoi les lamelles de bambou de l’Université de l'Anhui constituent-elles un « puzzle historique » de la civilisation chinoise ?
Les lamelles de bambou de l’Université de l'Anhui sont principalement constituées des documents fondamentaux de la civilisation chinoise et couvrent un large éventail de disciplines, dont l’historiographie, l’étude des classiques et la littérature. L’association des documents exhumés et des documents qui nous ont été transmis nous permet d’apprécier les trésors de la civilisation chinoise.
Le Classique des vers des lamelles de bambou de l’Université de l'Anhui et celui qui nous est parvenu ne diffèrent pas seulement au niveau de l’ordre des chapitres. Ils contiennent également un grand nombre de textes différents. Elles contiennent de nombreuses formes anciennes de vocabulaire, qui sont d’une grande valeur pour comprendre les annotations anciennes, étudier le développement du vocabulaire chinois ancien et explorer les formes anciennes du Classique des vers. Par exemple, les caractères « yaotiao » (d’une beauté fascinante) dans « yaotiao shunü » (la jeune fille belle et vertueuse) du Classique des vers, sud de Zhou, Guanju sont « yao di » (taille aux plumes de faisan) sur les lamelles de bambou de l’Université de l'Anhui.
Deuxièmement, de nombreux documents antérieurs à la dynastie Qin ont été copiés sur les lamelles de bambou de l’Université de l'Anhui et ont été inhumés il y a fort longtemps, si bien qu’ils ne nous sont pas parvenus. Leur exhumation, deux mille ans plus tard, aura un impact profond sur l’histoire des sciences chinoise.
Les lamelles de bambou de l’Université de l'Anhui contiennent un certain nombre de lamelles qui ont trait à l’histoire de l’État de Chu, dont le contenu est riche et systématique. Certaines peuvent être recoupées avec les documents historiques, tandis que d’autres peuvent combler les lacunes de ces derniers. Cette collection de lamelles retrace la succession des rois de Chu, de Xiong Li à Hui, et les événements historiques majeurs de l’État de Chu, depuis la naissance de Zhuan Xu jusqu’à l’ère du roi Hui de Chu où Bai Gong a causé un désastre. Cette collection de textes sur bambou a résolu la question de la relation entre Ji Lian, Xue Xiong et Yu Xiong, qui avait fait l’objet de nombreux débats dans les premières années de recherche, et a confirmé qu’il s’agissait d’une même et unique personne, contribuant ainsi grandement à l’étude de l’histoire de Chu.
En outre, de nombreux éléments du texte sur bambou témoignent de la sagesse des penseurs, qui, au cours des millénaires, s’est progressivement intériorisée pour devenir un puissant gène historique et culturel de la nation chinoise. Les Entretiens de Confucius des lamelles de bambou de l’Université de l'Anhui fournissent la source d’information la plus directe et la plus originale pour l’étude de la pensée confucéenne. On lit dans les Entretiens de Confucius, lamelle de bambou 1 : « Confucius dit : Quand la fleur s’épanouit et le fruit abonde, c’est le Ciel ; quand les paroles sont nombreuses mais les actes insuffisants, c’est l’Homme. » Le sens de ce texte devrait être « parler moins et agir plus », soit faire les choses de manière plus terre à terre. Cela reste très important dans la société d’aujourd’hui.
Qu’ont fait les défenseurs du patrimoine pour sauver et protéger les lamelles de bambou de l’Université de l'Anhui ?
Les lamelles de bambou de l’Université de l'Anhui datent d’environ 340 avant J.-C. et ont traversé plus de 2 300 ans. Après avoir été rapportées à l’Université de l'Anhui au début de l’année 2015, certaines des tiges de bambou s’étaient déjà oxydées et collées les unes aux autres. Si nous ne les avions pas nettoyées à temps, elles auraient pu connaître des dommages irréversibles, ce qui aurait été une grosse perte.
Les lamelles de bambou étaient à l’origine reliées en plusieurs rouleaux par de la corde tressée, mais en raison de leur ancienneté, la corde s’était rompue et les lamelles étaient tombées et mélangées. Nous avons d’abord soigneusement détaché les tiges une à une à l’aide de bâtons en bambou et de pinces, nous les avons placées sur des planches de verre, puis nous avons lentement rincé et frotté la terre et les impuretés avec de l’eau distillée et des brosses. Lors du processus de nettoyage, comme nous sommes accoutumés à la structure des textes anciens, nous avons veillé scrupuleusement à la préservation des traits dans leur intégralité, des informations qui figurent au dos des lamelles, des cordes tressées et d’autres éléments qui peuvent aider à les étudier, ce qui facilitera également les travaux de recherche futurs.
À l’heure où je vous parle, les lamelles de bambou de l’Université de l'Anhui reposent dans une salle de protection des reliques culturelles à température et à humidité constantes. Cette « guerre de protection » des lamelles de bambou est arrivée à son terme et les recherches sur ce qu’elles contiennent sont devenues l’axe des travaux.
Article initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn.
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