[Archéologie] Erlitou : le plus ancien vestige de la civilisation chinoise

1687785147392 China News Han Zhangyun
Le site archéologique d’Erlitou, dans la province du Henan, figure parmi les plus grandes découvertes archéologiques de Chine, avec des vestiges datant de l’âge du Bronze. De nombreux experts en Chine considèrent que celui-ci constitue une preuve de l’existence de la légendaire dynastie Xia, la première grande dynastie chinoise selon l’historiographie traditionnelle des plus anciens écrits. Entretien exclusif avec Zhao Haitao, l’un des spécialistes du site.

Dans le projet d'exploration des origines de la civilisation chinoise initié par le gouvernement chinois, le site d'Erlitou fait figure de révolution. Zhao Haitao, chercheur à l'Institut d'archéologie de l'Académie chinoise des sciences sociales, chef de l'équipe de travail du site d'Erlitou explique pourquoi celui-ci constitue directement le plus ancien vestige de la civilisation chinoise et en quoi cette culture ancienne aurait guidé le processus civilisationnel chinois.

Le site d'Erlitou est-il vraiment le plus ancien vestige de la civilisation chinoise ?

Cela peut être entendu à partir des deux éléments : « plus ancien » et « chinois ». L’expression « Chine » (zhong guo dans le texte, littéralement « royaume du milieu », ndt) apparaît pour la première fois dans l'inscription en bronze « He Zun » datant de l'époque des Zhou de l’Ouest (1046 à 771 av. J.-C.). Il y est écrit que « Je réside au royaume du milieu ». En combinant divers documents historiques compilé sous l’Antiquité tels que le Classique des documents, le Livre des Zhou ou encore les Mémoires historiques, on comprend que « zhong guo » fait référence au bassin de Luoyang et à la région autour de celle-ci. Dans l'esprit des gens de l'époque des Zhou de l’Ouest, le bassin de Luoyang était là où se trouvait « la résidence des Xia » (en référence à la dynastie Xia, 2070 – 1600 av. notre ère, dates théoriques. Première dynastie chinoise dans la tradition chinoise, ndt). C’était le « royaume du milieu », un lieu situé « au centre du monde, où des quatre directions on venait rendre hommage ». La signification initiale de « zhong guo » est donc « ville centrale » ou « pays central », se référant à la capitale du royaume et à sa région environnante, le centre du pouvoir.

En 1959, le célèbre historien et archéologue Xu Xusheng a dirigé une équipe pour enquêter sur les « ruines des Xia » dans l'ouest du Henan et y a découvert le site d'Erlitou à Yanshi. Au cours des 60 années suivantes d'excavations, de nombreux vestiges culturels riches et importants ont été découverts.

Plus de 60 ans d'exploration archéologique ont montré que le site d'Erlitou constituait les vestiges de la première capitale d'un royaume de grande envergure construite dans le bassin de Luoyang, et qui correspondait assez bien à l’idée de ce à quoi le « plus ancien vestige de la civilisation chinoise » pourrait ressembler. Certains universitaires chinois ont considéré ce site comme celui de la capitale de la fin de la dynastie Xia. La dynastie Xia est, dans les écrits hérités de la Chine antique, inscrite comme la première dynastie. Sa fondation aurait jeté la base de la civilisation chinoise.

De nombreuses réalisations ont été découvertes sur le site d'Erlitou : le premier réseau de routes entre villes chinoises, la première « Cité interdite », le premier groupe de bâtiments à cour intérieure de style « Siheyuan », la première zone de rituels collectif, le premier atelier de fonderie de bronze, le premier atelier de traitement de la turquoise… Enfin, la culture d'Erlitou est considérée comme la source la plus directe et la plus orthodoxe concernant la vénération du dragon.

Il n'est pas difficile de voir que le site d'Erlitou est aussi le premier centre urbain, avec une planification claire, montrant que la culture d'Erlitou avait produit aussi le premier pouvoir royal, et au cœur du pouvoir, des rites, des cérémonies, de l'économie, etc. On y trouve un système de cérémonie royale qui présente toutes les caractéristiques de la civilisation politique chinoise ancienne.

Toutes ces caractéristiques sans précédent montrent pleinement que le site d'Erlitou était « la Chine » dans sa forme la plus ancienne.

Quelles sont les caractéristiques de la disposition de cette capitale ?

Globalement, Erlitou est basée sur un réseau routier principal en forme de « dièse » avec le quartier du palais comme noyau. Les trois zones les plus importantes – la zone des rituels, le quartier du palais et la zone des ateliers officiels – se trouvent exactement sur la route centrale, avec le quartier du palais au centre. Les vestiges importants sont situés autour du quartier du palais, formant plusieurs zones en grilles régulières, ce qui suggère qu'il y avait déjà probablement une planification de la cité avec le quartier royal au centre, les nobles protégeant les alentours, une séparation des zones résidentielles, des murs à l'extérieur, etc.

La capitale d'Erlitou correspond parfaitement aux caractéristiques des planifications des capitales anciennes, qui choisissent le « centre du monde » pour y établir un pays, le centre du pays pour y établir un palais et le centre du palais pour y établir un temple. Une telle planification rigoureuse, claire et régulière montre que la structure sociale de l'époque était clairement hiérarchisée et ordonnée, que la gouvernance était bien établie. C'est le signe que d'Erlitou était une organisation monarchique.

Des traces d'influence de la culture d’Erlitou peuvent être observées dans la planification urbaine des futures cités royales et dans la construction des palais, montrant que les idées d'agencement d'Erlitou ont été héritées par les générations futures et ont eu une influence profonde et durable.

Pourquoi la culture d'Erlitou est-elle considérée comme le cœur du processus civilisationnel chinois ?

En mai 2018, lors de la conférence de presse sur « l'origine et le développement précoce de la civilisation chinoise » organisée par le Bureau de l'information du Conseil des Affaires de l'État (organe du gouvernement chinois, ndt), il a été souligné que, vers 3800 ans avant notre ère, la région centrale de la Chine avait développé une forme de civilisation mature exerçant une influence culturelle dans toutes les directions, devenant le cœur du processus civilisationnel chinois.

La culture d'Erlitou, qui date d'environ 3800 à 3500 ans avant notre ère, est précisément la forme de civilisation la plus éblouissante de la région centrale de la Chine. Sa position centrale est manifeste : après le déclin progressif des cultures florissantes telles que la culture Longshan (3000 – 2000 av. notre ère), la culture Shijiahe (2500-2000 av. J.-C.) et la culture Taosi (-2300 à -1900), aucune autre civilisation développée n'a émergé pour les remplacer, seule la culture d'Erlitou s'est distinguée, devenant la première culture centrale de la région de l'Asie de l'Est à l'époque.

En même temps, ces ancêtres d'Erlitou ont hérité des cultures locales environnantes et ont absorbé largement les éléments avancés de ces cultures pour créer une vaste civilisation du bronze axée sur l'ordre et l'intégration, ouvrant ainsi le prologue de la civilisation chinoise.

Les systèmes d'implantation, de planification urbaine, de classes sociales et de rites funéraires d'Erlitou montrent que cette culture est la source orthodoxe de la culture chinoise. Ce peuple a établi les caractéristiques fondamentales de la civilisation chinoise basée sur la culture des rites et de la musique.

De plus, la position centrale de la culture d'Erlitou se reflète également dans le modèle de peuplement, en forme d’« étoiles entourant la lune » centrée sur le site d'Erlitou, avec une structure sociale en « pyramide » et des classes distinctes, montrant pleinement que le royaume d'Erlitou possédait un réseau de contrôle et d’exercice du pouvoir développé.

L’influence de la culture d'Erlitou se manifeste d'abord sur la civilisation Shang-Zhou. En particulier, les techniques de fabrication des objets rituels d'Erlitou, leurs combinaisons, leurs formes, ainsi que le système de musique en bronze, les rites sacrificiels et les pratiques divinatoires, la poterie utilitaire quotidienne, etc, ont été hérités par les dynasties Shang (1570 à 1045 av. J.-C.) et Zhou (1046 - 256 av. J.-C.), jetant les bases les plus importantes et les plus directes de la civilisation Shang-Zhou. Ils ont eu un impact direct et significatif sur la culture des rites, la structure sociopolitique des dynasties ultérieures et les zones de territoires contrôlés, poursuivis et développés par les générations futures.

D'autre part, la culture d'Erlitou a également eu un impact considérable sur les cultures des régions environnantes : dans la région du Jianghuai dans le sud-est, la région du Jianghan dans le sud, la plaine de Chengdu dans le sud-ouest, le bassin de Wei et Tao dans l'ouest, et la région de Chifeng dans le nord, on peut trouver des traces de la culture d'Erlitou. Les objets rituels créés par les ancêtres d'Erlitou, tels que les sceptres en ivoire, les cloches en bronze, les plaques en bronze incrustées de turquoises et les théières en terre cuite ont été des ondes de choc puissantes qui ont dépassé les barrières géographiques naturelles et culturelles, modifiant les processus de développement sociaux locaux et reflétant l'influence et le rayonnement puissants de la culture d'Erlitou en termes politique, religieux, et philosophique.

Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn.

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