[Archéologie] Le char de guerre, preuve d’un dialogue des civilisations depuis l’Antiquité

1680699535283 China News Yu Chenglong

Le char de guerre, symbole du progrès du matériel militaire dès le IIe millénaire av. J.-C., a fait une apparition tardive en Chine, au 13e siècle. Il constituerait un des premiers emprunts de la civilisation chinoise à d’autres cultures. 

Yinxu est le site archéologique de l’ancienne cité de Yin, capitale de la dynastie Shang (1570 à 1045 av. J.-C.). Siège du dernier roi des Shang, elle fut détruite par la dynastie suivante, celle des Zhou. Beaucoup d'objets archéologiques y ont été découverts, fournissant des preuves sur les influences réciproques entre les civilisations des plaines de Chine et d’autres civilisations. Les chars en font partie. Grande invention de l'histoire des techniques humaines, ils sont un outil qui s’est amélioré au fil du temps. Ceux exhumés à Yinxu figurent parmi les plus anciens chars à deux roues découverts en Chine. 

À quoi servaient les chars de guerre antiques ?

Le poète Qu Yuan (340 - 278 av. J.-C), du royaume de Chu alors en guerre, a dépeint avec une forte puissance artistique et une sincérité émotive une scène héroïque de guerre dans un de ses plus célèbres poèmes. Des scènes de chars de guerre galopant, de chevaux hennissants et des soldats combattants. Dans ces témoignages littéraires, on lit que les chars de guerre à deux roues tractés par des chevaux constituaient un important équipement militaire, utilisé en Chine pendant plus de mille ans. À l’époque de Qu Yuan, le nombre de chars de guerre était même un critère pour mesurer la puissance militaire des États. Mais les chars étaient également des moyens de transport pour les voyages et les chasses. Les nobles possédaient des chars de différentes quantités et décorations en fonction de leur degré hiérarchique : rois, seigneurs, ministres, grands fonctionnaires etc. 

Entre octobre 1928 et juin 1937, l'équipe archéologique de l'Institut de recherche historique et linguistique de l'Académie centrale chinoise a effectué 15 fouilles dans la région nord-ouest d’Anyang, dans la province du Henan, révélant de nombreux sites archéologiques et des tombes, avec un grand nombre de vestiges. Les travaux de fouilles archéologiques ont été intensifiés sur cette zone et ont permis d’obtenir des résultats considérables, avec la découverte de 160 000 inscriptions sur os. Les principaux vestiges découverts remontent à l'époque du roi Wu Ding de la dynastie Shang, dans ce qui était la dernière cité du royaume Shang, Yin.

Plus de 90 ans de fouilles archéologiques à Anyang ont permis de découvrir des centaines de chars à deux roues tirés par des chevaux, les plus anciens chars connus en Chine. Entre 2005 et 2006, 10 fosses contenant des chariots et des chevaux ont été découvertes dans le sud-ouest de l'aciérie d'Anyang, parmi lesquelles 5 chars disposés en rangées de manière solennelle. Les chars de la fin de la dynastie Shang étaient composés de cinq éléments : un bateau, deux roues, une branche, un essieu et deux joues. La production de ces chars nécessitait la collaboration de nombreux secteurs de l'industrie artisanale, tels que la fonderie en bronze, la fabrication en bois laqué et la transformation du cuir, ce qui reflète le niveau général du développement de l'industrie artisanale à l'époque.

Les chars de la fin de la dynastie Shang découverts à Anyang étaient accompagnés d'armes telles que des épées et des flèches, ainsi que de différents équipements pour les chevaux. Selon les plus anciens textes chinois, le roi Wu des Zhou aurait « dirigé 300 chariots de guerre, 3 000 gardes du corps, 45 000 soldats avec armure », pour mettre à bas le dernier roi des Shang. Les chars découverts à Anyang sont donc en toute logique des chars de guerre de l'époque.

Les sites archéologiques au Shaanxi et au Shandong appartenant à la fin de la dynastie Shang présentent également des fosses de chars et chevaux, avec des structures de chars très similaires à celles vues à Yinxu. En d'autres termes, les preuves archéologiques actuellement disponibles indiquent que la première période d'élevage de chevaux domestiques pour l’usage des chars de guerre en Chine remonte à la période du roi Wu Ding, soit au 13e siècle avant JC.

Ces chars présentent un travail de qualité supérieure et utilisent une grande quantité de composants en bronze : il ne s’agit donc pas de travail d'amateur, mais bien du résultat d'un long processus d'invention et d'amélioration. Or, en examinant les autres sites archéologiques datant de la dynastie Shang, tels ceux de la cité commerçante de Yanshi dans le Henan, on ne trouve aucun os de cheval ni de traces de véhicules à deux roues ! D'où est donc venue la brusque apparition des chars de guerre à deux roues à double attelage à la fin de la dynastie Shang ?

Une importation d’Asie centrale et occidentale

Lorsqu'on examine les reliques archéologiques de la steppe eurasienne, os de chevaux, dents de chevaux, flèches fabriquées à partir d'os de chevaux, amoncellements de crottins de chevaux sont monnaies courantes. Beaucoup ont été retrouvés sur le site de Baytai au Kazakhstan, datant d'environ 5 500 ans. Des résidus d'acides gras de lait de cheval ont été détectés sur des échantillons de céramique. 

On a retrouvé dans des tombes dans la région de l’Oural, datant d'environ 2 000 avant J.-C., les plus anciens chars de guerre à deux roues tirés par deux chevaux confirmés à ce jour. Le site archéologique près du lac Sévan en Arménie, datant d'environ 1 500 avant J.-C., présente aussi plusieurs chars de guerre à deux roues tirés par deux chevaux similaires à ceux de la fin de la dynastie Shang. Tout cela montre que les chars de guerre à deux roues tirés par deux chevaux étaient largement utilisés dans les régions d'Asie centrale et de l'Ouest bien avant la fin de la dynastie Shang.

En comparant avec ceux de la fin de la dynastie Shang découverts en Chine, on peut constater que les deux types de char ont une structure similaire, avec un seul corps, deux roues, un seul joug, un seul essieu et deux perches, et que les principaux composants et les techniques de liaison sont les mêmes. Tous utilisent des composants en bronze. La théorie communément admise est donc celle d’un déplacement des techniques de l’ouest vers l’est. 

Cependant, il convient de noter que les chars n'ont pas été simplement introduits puis imités, mais ont été considérablement transformés en termes de corps de voiture, surface, diamètre de roue, etc. Grâce à l'industrie de la fonderie de bronze hautement développée de la fin de la dynastie Shang et du travail artisanal déjà précis de l’époque, les Shang ont produit des chariots plus finement travaillés, permettant une utilisation optimale en tant qu'équipement militaire et moyen de transport. À partir de l’époque de Yinxu, les scientifiques chinois croyaient que les chariots fabriqués en Chine dépassaient largement le niveau des régions d'Asie centrale et de l'Ouest sur tous les aspects. Cette structure des chars a été ensuite largement transmise de la dynastie Shang à la suivante, et améliorée à nouveau, devenant le prototype des chars de la période des Printemps et Automnes (771 à 453 av. J.-C.) et Royaumes combattants (453 à 221 av. J.-C.). Ainsi, le développement des chars dans l’antiquité prouve que le développement très précoce de la civilisation chinoise était un processus complexe utilisant l’introduction et la reprise d’idées et de technologies étrangères et enfin l’innovation. C’est donc bien grâce à ce qu’on peut appeler un dialogue des civilisations que la dynastie Shang a pu évoluer et briller. 

YU Chenglong est membre de la Société culturelle de la dynastie Shang de Chine, ancien vice-directeur de l'Institut de recherche du Musée national de Chine, expert en vaisselles en bronze et céramiques. 

Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn. 

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