[C-drama] « Imperfect Victim » explore les zones grises du consentement en Chine

1696412172186 Chine-info Hu Wenyan

Dans cette série judiciaire ultra réaliste, la réalisatrice Yang Yang nous montre, avec finesse et nuance, le parcours du combattant des victimes de violences sexuelles et sexistes en Chine, sans pourtant caricaturer ses personnages. Une exploration des zones grises du consentement hautement réussie. 

Cheng Gong (Liu Yijun), PDG coquet et élégant d'une grande entreprise, vient d'avoir un rapport sexuel avec Zhao Xun (Lin Yun), une jeune salariée qui avait un peu trop bu. Alertée par une personne anonyme, la police débarque. La vingtenaire abasourdie tergiverse, mais finit par confirmer son consentement dans le commissariat. Sauf que cinq jours plus tard, elle revient sur sa décision en dénonçant un viol. Dans le même temps, un tourbillon médiatique hystérise le pays. 

Les premières scènes de la série ont un air de déjà vu. Un clin d’oeil à l'affaire Richard Liu, fondateur de JD.com accusé de viol en 2018 puis accquité en 2022 ? Les jeux de miroir entre le réel et la fiction s'installent dès le début de la série Imperfect Victim

Faute de preuve, et surtout face à l’ambivalence du témoignage de la victime, la police clôt rapidement l’enquête. Mais pour Cheng Gong, le mal est fait. Convaincu de son innocence, il porte plainte contre son ancienne assistante pour calomnie et diffamation. Comme Liu Jingyao, victime dans l’affaire Richard Liu,  l'héroïne commence ici sa chute en enfer, entre cyberharcèlement, slut-shaming et chômage. Malgré toutes les ressemblances avec des faits réels, la série ne se réduit pas qu’à l’exploration du consentement sexuel au jugement d’un procès en Chine. Au fil de l’affaire, Zhao Xun tisse un lien aussi affectif qu’ambigu avec Lin Kan (Zhou Xun), avocate de la partie civile mais victime elle-même de harcèlement sexuel lorsqu’elle était étudiante. Le choix cornélien auquel doit faire face cette dernière s’avère être l’autre fil conducteur. Ce n’est pas tout. Au fur et à mesure que le lanceur d'alerte fait surface, se dessine peu à peu l’histoire d’une autre victime imparfaite…

Diffusée en juillet sur iQiyi, Imperfect Victim, de 29 épisodes, est l'une des rares séries chinoises traitant de manière approfondie et nuancée un sujet de débat de société aussi enflammant. Porté par un casting cinq étoiles, ce bijou de drama dresse le portrait de trois femmes qui subissent des violences sexuelles dans les sphères professionnelle, scolaire et familiale. Si leurs parcours de vie s'entremêlent grâce à des coïncidences et aux hasards des choses, elles partagent pourtant un point commun indéniable : leurs conduites interprétées de manière équivoques, leur difficultés à s’exprimer sur un sujet d’humiliation, devoir se justifier en tant que victimes et finalement être accusés à leur tour.  

Ponctuée de maintes rebondissements, la série maintient le suspense jusqu'au dernier moment. Sans sauter aux conclusions, l'histoire avance en assemblant toutes les pièces manquantes du puzzle. D'autant que l'affaire est traitée sous le prisme d’une poignée d’acteurs différents, qui vont des agresseurs aux victimes, en passant par les médias, la police, les avocats, ainsi que l'entourage des deux parties mises en cause. De quoi créer des personnages complexes, tels que l’accusé Cheng Gong, self-made man et coureur de jupon. L’homme fortuné et puissant a beau avoir des allures d’intellectuel : il s'impose et abuse de son pouvoir, sans parfois s’en rendre compte, ni l’assumer. « Si j'ai fait la cour à Zhao Xun, c’est parce qu'elle j'aime la voir perplexe et indécise, tourmentée entre la morale, l'indépendance et la cupidité. C'est très excitant ! » Le pouvoir aveugle et manipule. Au fil du dénouement du procès, se profilent peu à peu les abysses de l’âme humaine et les affres d’une société aux proies au sexisme latent. 

L’un des plus grands mérites de la série est de dépeindre, avec minutie et délicatesse, les moindres gestes paradoxaux chez ces femmes faisant face à des agressions sexuelles. Si Zhao Xun n'a jamais porté les vêtements ou sacs offerts par Cheng Gong, elle prend pourtant plaisir à savourer ces produits de luxe à l'abri des regards. Il en va de même pour Lin Kan, qui refuse l’admission en master proposée par son professeur agresseur, mais ne parvient pas à résister à l’offre d’emploi de rêve dans un grand cabinet d’avocats grâce à l’entremise de la même personne. La série prend donc de l'avance en étalant les incohérences, souvent par lâcheté, vanité ou cupidité, de ses personnages principaux. Mais cela n’a pas empêché certains téléspectateurs de pointer du doigt, parfois avec véhémence, les imperfections des victimes, à l'image de l’opinion publique dépeinte dans la série. La réalité et la fiction s’entremêlent, au point de donner parfois des vertiges.

Imperfect Victim 不完美受害人

Série disponible sous-titrée en anglais sur iQiyi

Genre : drame 

Diffusion : juillet 2023 

Production : iQiyi

Réalisé par Yang Yang

Avec Zhou Xun, Lin Yun, Liu Yijun... 

Photos : iQiyi

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