La déesse Mazu : du culte à l’un des « trois grands rites chinois »

1686732056573 China News

Le 17 mars 2023, des représentants de cinq institutions de temples taïwanais, dont le président honoraire de l’Association taoïste chinoise de Taïwan, Xu Wenjin et Guo Yongfu, directeur du palais Yongqing de Taichung, se sont rendus dans la province du Fujian, à Putian, « pays natal de Mazu », pour célébrer la déesse. Alors que le brouillard du Covid-19 se dissipe, la fièvre du pèlerinage s’empare à nouveau des Taïwanais sur l’île de Meizhou.

Depuis 1987, des milliers de Taïwanais traversent chaque année le détroit de Taïwan pour rendre hommage à leurs ancêtres, au temple ancestral de Mazu, à Meizhou. Ils emmènent souvent avec eux des statues des esprits divisés de Mazu et les offrent à la Mazu dorée, afin de les réunir. Ils célèbrent ainsi la déesse sur la place Tianhou, face au temple, avec les locaux.

Pourquoi les Taïwanais traversent-ils la mer pour vénérer Mazu ? Comment le rite de Mazu est-il devenu l’un des « trois grands rites chinois » ? Wu Weiwei, directeur adjoint et chercheur au centre de recherche régional Fujian-Taïwan de l’Université normale du Fujian, a récemment accordé une interview à China News pour répondre à ces questions.

Comment le culte de Mazu s’est-il développé des deux côtés du détroit de Taïwan et comment a-t-il donné naissance à la croyance populaire prédominante de Taïwan ?

Le culte de Mazu remonte à la dynastie Song, il y a mille ans. D’après les archives historiques, Mazu serait une descendante de Jiumu Lin, une famille prestigieuse de Putian, dans la province du Fujian. À sa naissance, elle n’aurait pas pleuré avant la pleine lune, si bien qu’on la nomma Moniang ou « la silencieuse ». Elle était profondément aimée du peuple parce qu’elle aidait les pauvres. À l’âge de 28 ans, elle mourut après avoir sauvé les hommes d’un naufrage. La légende raconte qu’elle serait devenue immortelle et qu’elle se serait envolée vers les cieux.

Le culte de Mazu s’est perpétué et transmis au fil des siècles. Les hommes qui prennent la mer embarquent souvent une statue de Mazu pour les protéger. Les statues de Mazu ramenées du temple ancestral de Meizhou sont considérées comme les esprits divisés de la déesse, chargées de protéger la vie et les biens et d’apporter un réconfort spirituel et un soutien aux fidèles. Dès lors, Mazu est vénérée comme la « déesse protectrice de la mer et des marins » et la « déesse de la paix en mer ».

Pendant des milliers d’années, Mazu a voyagé à travers le monde avec ses croyants. Aujourd’hui, on compte plus de 300 millions de fidèles et 10 000 temples dédiés à la déesse dans 49 pays et régions du monde. La culture de Mazu tisse un lien spirituel entre les peuples de part et d’autre du détroit de Taïwan et le long de la « route de la soie maritime du XXIe siècle ».

Taïwan abrite plus de 3 000 temples dédiés à Mazu, si bien que c’est sur cette île que la déesse compte le plus grand nombre de fidèles, représentant deux tiers de sa population. D’après les archives du temple Zhenlan de Taichung, en 1730, Lin Yongxing, originaire de Putian, rapporta de Meizhou une statue d’un esprit divisé de Mazu. Lorsque les fidèles l’apprirent, ils vinrent en masse lui rendre hommage. Dès lors, l’encens brûla sans discontinuer et la noblesse locale érigea ce qui deviendra le temple Zhenlan.

Aujourd’hui, le culte de Mazu tisse un lien étroit et forme un pont par-delà les fractures historiques qui divisent les deux rives du détroit de Taïwan. Il joue un rôle actif dans les échanges entre Taïwan et la Chine continentale. L’île de Meizhou, à Putian, est le pays natal de Mazu et le berceau de sa culture, si bien qu’elle est connue comme la « Mecque de l’Orient ». Le temple ancestral de Meizhou est le foyer des temples Mazu du monde entier. Il accueille chaque année un grand nombre de fidèles, dont beaucoup de Taïwanais. Avant la pandémie de Covid-19, plus de 300 000 Taïwanais se rendaient chaque année au temple pour rendre hommage à leurs ancêtres. 

En 1987, les fidèles de Mazu du temple Zhenlan de Taichung ont fait un détour par le Japon pour visiter le temple ancestral de Meizhou et y brûler de l’encens. Cette démarche a participé à « briser la glace » qui gelaient les deux rives du détroit de Taïwan depuis 38 ans. Elle a encouragé de nombreux Taïwanais à partir en pèlerinage sur le continent pour revenir à la source de leur foi. Dès lors, ils ont réalisé que « les fonctionnaires ne communiquent pas, à l’inverse du peuple, et que les peuples qui ne parviennent pas à communiquer mettent Mazu au premier plan ». En 1997, la statue dorée de Mazu originelle a fait une tournée de 102 jours à Taïwan, traversant 19 comtés et villes, allant à la rencontre de plus de 10 millions de pèlerins, pour leur plus grande joie.

Dans le cadre de la culture Mazu, quels sont les rituels traditionnels qui rythment la cérémonie ?

Il s’agit avant tout d’un sacrifice à la déesse Mazu, qui s’inscrit dans la tradition chinoise du « sacrifice rituel aux dieux », sous l’influence des rituels religieux chinois. Lorsque la cérémonie de Mazu a lieu, l’île accueille des pèlerins du monde entier qui se rassemblent pour offrir de l’encens à Mazu.

La cérémonie comprend cinq parties. Tout d’abord, l’officiant principal, accompagné d’un certain nombre d’assistants, porte les ornements d’apparats et les bannières. Seize personnes s’occupent du rite et sont chargées de chanter les sutras et de tenir l’encens. Deuxièmement, la bannière de Qingdao, le grand gong, la bannière du dragon, les bâtons Panlong, la lance Fangtian, les sabres, le sceau et le pinceau griffé, l’éventail à queue de faisan et l’ombrelle jaune à neuf couches sont portés dans les cortèges. Troisièmement, on organise un banquet comprenant divers récipients sacrificiels comme des corbeilles de fruits, des brûleurs d’encens et des écrans de bougies, ainsi que des offrandes de cinq animaux, cinq soupes et dix brocarts. Quatrièmement, le rite se poursuit au rythme des tambours, des tirs de canons, des chants de sutras, du brûlage des prières et de la soie. Cinquièmement, les musiciens, les chanteurs et les danseurs rythment la cérémonie.

Pourquoi le rite de Mazu est-il devenu l’un des « trois grands rites chinois », avec le rite du mausolée de l’Empereur jaune et celui de Confucius ?

Le rite de Mazu s’est construit sur les nobles caractères « de la vertu, des bonnes actions et du grand amour ». Les gens vénèrent la déesse, la chérissent et la célèbrent pour « méditer et se souvenir du passé », « ne pas oublier les grands penseurs d’antan » et « vénérer les sages passés ». Il s’agit d’une forme extériorisée de l’héritage des grandes vertus traditionnelles chinoises qui manifeste l’apprentissage grâce aux ancêtres.

Les « trois grands rites chinois » que sont le rite de Mazu, le rite du mausolée de l’Empereur jaune et le rite de Confucius sont les trois rites majeurs de la culture traditionnelle chinoise. Ils incarnent l’importance et le respect de l’histoire et de la culture. Ils sont empreints de profondes caractéristiques et connotations culturelles locales et reflètent l’histoire et la culture de diverses régions de Chine. Ils sont une combinaison d’activités folkloriques et d’anciens rituels de la cour, exprimant l’admiration du peuple chinois pour les vertus de la vérité, de la bonté et de la sincérité, ainsi que son souhait de protéger le pays.

En 1987, le neuvième jour du neuvième mois du calendrier lunaire, près de 100 000 adeptes de Mazu des deux rives du détroit de Taïwan ont organisé une grande commémoration pour le Millénaire de Mazu au temple ancestral de Meizhou. En septembre 2006, le temple Zhenlan de Taichung a réuni plus de 4 300 Taïwanais pour un pèlerinage sur l’île de Meizhou en l’honneur de Mazu, établissant un record historique inter-détroit à si grande échelle, rassemblant le plus grand nombre de personnes. En avril 2018, des adeptes de Mazu du temple Tianhou, de l’Association malaisienne de Kuala Lumpur Selangor Hainan, se sont rendus au temple ancestral de Meizhou pour apprendre les processus du rite de Mazu. En novembre 2019, la cérémonie de Mazu a été célébrée dans le nouveau quartier chinois de Bangkok, dans le district de Samphanthawong, attirant en grand nombre les croyants des deux rives du détroit et les fidèles d’outre-mer.

Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn.

Photos du haut : Dr.

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