« MA GENERATION », le temps de l’innocence

1457048074000 Chine-info.com Jésus Castro-Ortega
Synopsis : un jour, Li Kunwu reçoit sur son téléphone un message le conviant à une réunion d’anciens élèves de sa promotion, des gens qu’il n’a pas revus depuis plus d’une cinquantaine d’années. C’est l’occasion pour lui de se replonger dans ses souvenirs et de raconter la Chine telle que l’avait vécue « sa » génération, celle de tous les rêves et de tous les bouleversements.

L'auteur parle de son oeuvre « Ma Génération » dans une interview:

Depuis son premier ouvrage publié en France (la trilogie « Une Vie Chinois e »), Li Kunwu dresse par petites touches un portrait nuancé de son pays, la Chine, dont il dépeint l’histoire tumultueuse sans jamais faire l’impasse sur les contradictions qui la traversent, mais toujours avec émotion et justesse. Dans ce premier tome de « Ma Génération », l’auteur choisit de nous raconter à travers ses souvenirs d’enfance la Chine des années 50 jusqu’au début des années 70, avec pour décor unique la ville qui l’a vu naître et grandir : Kunming, dans le sud-ouest du pays. L’occasion pour l’auteur de se pencher une fois de plus sur cette région du Yunnan qui habite son œuvre, et de faire remonter à la surface toute une galerie de personnages croisés durant sa jeunesse, notamment ses camarades de classe.


La génération de Li Kunwu, entre innocence et idéalisme

« Ma Génération » nous fait donc plonger dans la vie quotidienne d’un enfant né dans une époque tumultueuse mais pleine d’espérances, et nous fait traverser avec lui deux décennies d’histoire de la Chine tout en nous faisant réfléchir en creux sur ce qu’est devenu le pays aujourd’hui.



Autoportrait de Li Kunwu, observateur bienveillant de "Ma Génération"

Dans cet ouvrage très dense (ce premier volume fait 255 pages) l’auteur a fait le choix de mener son récit sur le mode autobiographique, apportant la force de son témoignage à une œuvre qui tutoie le documentaire tout en conservant les ressorts narratifs propres à la fiction. Avec cet acte presque politique, l’auteur refuse de se dissocier de l’histoire de sa nation, et montre qu’il en épouse les contours, se solidarise totalement avec elle : dans « Ma Génération », Li Kunwu, ses camarades de classe ou, d’une manière plus générale la population chinoise de cette époque, l’individu comme le groupe, tous semblent faire corps avec l’Histoire du pays. Pourtant ce regard intime sur la société chinoise n’est jamais nostalgique, ou même critique. C’est une voie médiane qui tente de faire partager à la fois l’exaltation, la naïveté, la crainte, les espoirs et les désillusions naissantes de cette génération de Chinois qui voient le pays changer à vue d’œil. 



Kunming, symbole d'un pays en mutation

Ce chemin ne se fait pas sans heurts, et à de nombreuses reprises on voit le spectre de la famine, de la pauvreté, de la mort et de la folie humaine rôder dans les rues de la ville en proie aux grands mouvements qui traversent le pays : République Populaire, Révolution Culturelle, Grand Bond en avant, autant de séismes politiques, économiques, sociaux et culturels qui laissent des traces profondes dans l’inconscient collectif de cette génération. 



Les ravages de la Révolution Culturelle

Un moment en particulier montre, en une image très épurée, toute cette ambivalence ressentie par l’auteur vis-à-vis de son pays : il s’agit d’un dessin en gros plan du visage de Li Kunwu qui, enfant, écoute les conseils (prophétiques) de sa maîtresse : « mes élèves, j’espère que vous vous souviendrez de ces paroles lorsque vous serez vieux : la paix du cœur est le bonheur absolu, aucun confort matériel ne peut le remplacer ».



Li Kunwu enfant

Le regard triste de cet enfant, c’est peut-être celui de Li Kunwu adulte qui constate à quel point les idéaux d’hier ont malgré eux forgé une génération de Chinois dont la principale préoccupation est devenue, dans une forme d’ironie dramatique absolue, l’accumulation des richesses et le confort matériel. « Ma Génération », sous des dehors de récit initiatique (nous suivons un groupe d’enfants jusqu’à l’âge adulte), pousse sans cesse le lecteur à chercher les liens distendus entre passé et présent, entre cette Chine d’hier et celle d’aujourd’hui, pour tenter de mieux comprendre toute la complexité et toute la richesse de ce pays tiraillé entre l’idéalisme hérité de la Révolution et l’individualisme exacerbé qui a suivi le « grand bond en avant ».



Li Kunwu et la promotion de 1972

Une œuvre maitresse qui parle certainement à l’intelligence du lecteur, mais qui n’oublie jamais la dimension sensible du récit car en toile de fond se déploie une très belle histoire d’amour entre deux personnages, Wang Ke et Meizi, qui incarnent une forme de pureté et d’innocence imperméable aux grands mouvements du monde. Leur apparition, au début et à la fin de ce premier tome, n’est certainement pas un hasard. Et si, semble nous dire Li Kunwu, la réponse à tous les grands maux était dans l’Amour ?

  

                                  Meizi et Wang Ke                       Loin de la tourmente, l'Amour

Jésus Castro-Ortega


Ma génération, celle d'une vie chinoise
Tome 1
Editions: Kana - Collecion: Made In
Date de parution: 22 février 2016 
Prix public: 15 €
256 pages

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