Laetitia Albertini, PDG de H&H : « Il existe donc encore d'immenses opportunités pour les entreprises françaises en Chine et les entreprises chinoises exportatrices de savoir faire »

1663323773973 Nouvelles d'Europe Yang Yuhan

Nouvelles d’Europe s’est rendu au 8e Forum Europe 2022, qui s’est tenu le 8 septembre dernier. Co-organisé par la China Europe International Business School (CEIBS) et la Chambre de commerce et d'industrie de Paris Île-de-France, l’événement a eu lieu simultanément en ligne et en présentiel à Paris et à Shanghai autour du thème : "Évolution de l'économie chinoise post-Covid".

Selon Laetitia Albertini, invitée du forum, dans un monde post-Covid, le marché chinois reste toujours très attractif pour les investissements étrangers. Surtout en ce qui concerne les produits haut de gamme qui continuent d’être compétitifs au vue de la taille du marché chinois et la demande croissante des consommateurs chinois pour ces produits.

Entretien avec la PDG du groupe H&H (Health & Happiness) qui a accepté de nous parler du développement de sa société en Chine et des enjeux à venir sur le marché chinois pour les entreprises françaises.

Quel est votre relation avec la Chine ?

Je vis en Chine depuis 18 ans et je travaille chez H&H (Health & Happiness – 建合集团) depuis 12 ans. J’ai rejoint le groupe à un moment où il n’avait qu’une seule marque, Biostime, leader mondial des probiotiques et des prébiotiques pour les bébés et qui s’est ensuite diversifié sur les laits infantiles premium fabriqués en France, en Normandie. Par conséquent, j’ai d’abord accompagné le développement de la société en Chine avec un approvisionnement en France. Le processus impliquait une collaboration technique, scientifique et de production. 

Puis à partir de 2015, nous avons diversifié notre activité, à la fois géographiquement et dans notre gamme de produits, grâce à une série d’acquisitions : nous avons notamment racheté Swisse, leader australien des compléments alimentaires pour adultes, alors que le marché chinois de la nutrition prenait de l’ampleur. Par la suite, nous avons racheté Dodie, la plus vieille marque française de puériculture et Good Goût, marque française d’aliments bio pour bébés, afin de développer ces marques « made in France » à la fois sur le marché chinois et sur le marché domestique.

Plus récemment, en 2020, nous avons réalisé deux acquisitions dans le domaine des aliments pour animaux domestiques. Parce que nous avons constaté une augmentation des adoptions d’animaux dans les familles et les sociétés en Chine et dans le monde. 

Grâce à ces acquisitions, nous avons aujourd’hui huit marques dans trois segments de marché, à savoir la nutrition infantile, la nutrition adulte et la nutrition animale. En effet, notre cœur de consommateurs est très jeune, avec une moyenne d'âge de 20-25 ans, incluant de jeunes mamans ou des jeunes qui utilisent des compléments alimentaires pour la beauté, le sport, l’énergie…

Quel est votre lien avec la CEIBS ?

Notre fondateur, Luo Fei, est un ancien de la CEIBS, nous avons donc élargi notre coopération avec l’école où nous formons nos cadres sur les campus de Shanghai et de Shenzhen. De plus, les ateliers de la CEIBS nous ont également aidés à définir plus clairement notre culture d’entreprise : après l’acquisition de plusieurs marques, les équipes avaient une culture hybride avec différentes marques qui avaient différentes cultures. Nous avons donc suivi un workshop à CEIBS, sur le campus de Zurich, qui nous a permis de forger notre culture d'entreprise commune avec des personnes issues d'horizons différents. Cela nous a permis de mieux déterminer l'identité de H&H avec un nouveau slogan, une nouvelle mission, une nouvelle vision et de nouvelles valeurs.

Par ailleurs, je suis aussi membre du Comité de développement international des entreprises chinoises de CEIBS. Et notre société, par définition, est un peu similaire à l'ADN de CEIBS, qui est aussi à la frontière de deux cultures entre l'Europe et la Chine. 

En tant que directrice du pôle international du groupe H&H, comment voyez-vous la complémentarité économique entre la Chine et la France ?

En tant que Française qui a longtemps vécu en Chine et qui aime la culture chinoise, je pense qu’il y a beaucoup de similitudes entre la France et la Chine en termes de mode de vie et d’importance donnée aux relations interpersonnelles. Nous privilégions tous des relations de confiance à long terme, ce qui est aussi notre philosophie de partenariat. Par exemple, nous avons signé un accord commercial de quinze ans avec notre fournisseur de lait infantile Isigny Sainte-Mère sur la base d'un partenariat à long terme et d'une logique gagnant-gagnant. Je pense donc que Français et Chinois partagent cette logique de partenariat durable. Quand on sait respecter l'équilibre, le gagnant-gagnant et l'harmonie dont parlent souvent les chinois, ça marche très bien sur le long terme.

À l'ère post-Covid, quelles sont les perspectives de coopération et d'échanges entre entreprises chinoises et françaises ?

Il est vrai qu’en termes de perspectives de collaboration, on a tendance à focaliser beaucoup sur les aspects négatifs à court terme : la volatilité des marchés, l'incertitude et les complexités réglementaires… Mais on oublie que le marché chinois reste un immense marché pour les sociétés françaises et qu'on ne pourra jamais se passer des échanges commerciaux entre les différents pays. 

Dans le secteur qui nous concerne, le comportement des consommateurs chinois n’a pas fondamentalement changé, ils sont toujours à la recherche de produits innovants de qualité et ils sont plus « connectés » que jamais. Il existe donc encore d'immenses opportunités pour les entreprises françaises en Chine et les entreprises chinoises exportatrices de savoir faire. Nous sommes également tournés vers le marketing numérique de qualité, l'innovation et la communication avec les consommateurs.

Dans un contexte de vieillissement de la population et de baisse de natalité tant en Chine qu'en Europe, comment votre société assure-t-elle la qualité des produits face à une compétitivité de plus en plus vive sur le marché ? 

Il est vrai que sur le marché chinois de la nutrition infantile, la baisse de natalité a exercé une pression sur la taille du marché. Mais c’est un marché qui reste très attractif, très qualitatif où l'innovation est plus que jamais importante. Ainsi, lorsque nous avons lancé nos produits il y a 12 ans, nous avons beaucoup mis en avant le « made in France » et le « made in Normandie ». Mais nous constatons aujourd'hui que les consommateurs chinois ne cherchent pas forcément le « made in France », ils y voient surtout un facteur de réassurance et choisissent d'abord une marque de qualité et de bonne réputation. 

En effet, les consommateurs sont plus exigeants en termes de recherche et d'innovation produits. Chez H&H, cela se traduit par beaucoup de recherches sur la composition de nos produits, ce qui constitue également une différenciation du produit sur le marché. Par exemple, nous faisons des recherches sur la composition du lait maternel chinois, en essayant d'ajuster la formule pour la rendre aussi proche que possible du lait maternel chinois. Nous avons mené des études cliniques sur nos produits et les résultats ont montré que nos produits peuvent réduire le temps de pleurs des bébés car ils digèrent mieux notre lait et donc pleurent moins la nuit. Ces études tangibles nous aident à mieux répondre aux besoins des consommateurs chinois.

De plus, notre société souhaite se concentrer sur de jeunes consommateurs chinois plus soucieux des marques internationales. Nous avons également une position claire sur la durabilité, la protection de l'environnement, la traçabilité des produits et les ingrédients des matières premières. Les jeunes consommateurs chinois d'aujourd'hui passent beaucoup de temps à se renseigner sur l'origine des produits, la sécurité et l'efficacité des aliments.

Cette jeune clientèle partage énormément sur le bon fonctionnement d’un produit par le biais de vidéos et de bouche à oreille. Par conséquent, nous avons besoin d’être toujours plus connecté avec nos consommateurs, de leur expliquer le positionnement de nos marques, les avantages de nos produits et d’accroître la transparence des informations sur les produits. Je trouve cela fascinant de voir comment les consommateurs chinois sont à la pointe de la technologie pour se renseigner et à quel point ils mettent du temps à étudier leurs achats. Il ne s’agit pas seulement d’achats impulsifs mais d’un comportement d’achat responsable. 

Photo : Laetitia Albertini, invitée au 8e Forum Europe 2022 à Paris © Nouvelles d’Europe


Commentaires

Rentrez votre adresse e-mail pour laisser un commentaire.